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Au-delà des figures pittoresques et touchantes des habitués, on retrouve ici l'aventure collective des lendemains de l'utopie libertaire post-soixante-huitarde, et l'aventure individuelle et intime d'un écrivain qui se fait l'archéologue de sa propre venue aux mots.
Sept années durant, de 1983 à 1990, jusqu’à l’avant-veille du prix Goncourt, un apprenti-écrivain du nom de Jean Rouaud, qui s’escrime à écrire son roman  Les Champs d’honneur, aide à tenir rue de Flandre un kiosque de presse.
A partir de ce «  balcon sur rue  », c’est tout une tranche d’histoire de France qui défile  : quand Paris accueillait les réfugiés pieds-noirs, vietnamiens, cambodgiens, libanais, yougoslaves, turcs, africains, argentins  ; quand vivait encore un Paris populaire et coloré (P., le gérant du dépôt, anarcho-syndicaliste dévasté par un drame personnel  ; Norbert et Chirac (non, pas le maire de Paris  !)  ; M. le peintre maudit  ; l’atrabilaire lecteur de l’Aurore  ; Mehmet l’oracle hippique autoproclamé  ; le rescapé de la Shoah, seul lecteur du bulletin d’information en yiddish…)
Superbe galerie d’éclopés, de vaincus, de ratés, de rêveurs, dont le destin inquiète l’  «écrivain  » engagé dans sa quête littéraire encore obscure à 36 ans, et qui se voit vieillir comme eux.
Au-delà des figures pittoresques et touchantes des habitués, on retrouve ici l’aventure collective des lendemains de l’utopie libertaire post soixante-huitarde, et l’aventure individuelle et intime d’un écrivain qui se fait l’archéologue de sa propre venue aux mots (depuis «  la page arrachée de l’enfance  », souvenir des petits journaux aux couvertures arrachées dont la famille héritait de la part de la marchande de journaux apitoyée par la perte du pater familias jusqu’à la formation de kiosquier qui apprend à parler «  en connaissance de cause  ».)