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Un roi sans lendemain

Christophe Donner

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: « Un beau matin, Simon Lechinar appelle Henri Norden pour lui demander d’écrire un scénario de film sur Louis XVII. Henri ne sait pas qui est Louis XVII, mais pendant que Simon Lechinar lui explique que sa fille productrice ne désire rien de plus que de produire un film sur Louix XVII, Henri a le temps de regarder dans le Petit Robert où il découvre que Louis XVII est le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, et qu’il est mort dans la prison du Temple à l’âge de dix ans, en 1795. Des théories sur Louis XVII, il y en a eu des dizaines depuis deux siècles, à travers leurs approximations, leurs erreurs, leur utilisation partisane, ces légendes rendent compte de l’interdit qui pèse sur l’histoire de France depuis la Révolution française. Royalistes et révolutionnaires s’accordent à faire silence sur un crime dont ils portent les uns et les autres la responsabilité. La mort du petit roi n’est pas un dommage collatéral dans le vent inévitablement violent de l’Histoire. D’après Henri, Louis XVII est l’enjeu principal de la Révolution. Tout ce qu’il découvre lui montre qu’à l’époque, tout tournait autour du destin de cet enfant. C’est seulement après que les historiens, les politiciens, chacun à leur façon se sont évertués, pour des raisons diverses, à en réduire l’importance, en nier la réalité, jusqu’à n’en plus parler du tout. Les historiens, dit Henri, ont laissé à quelques hurluberlus survivantistes le soin de ridiculiser une affaire qui est en fait le secret d’Etat le mieux gardé de notre histoire. C’est sans doute sa méconnaissance presque complète du sujet qui met l’innocent scénariste sur une piste que personne n’a encore explorée. Sa démarche se résume en une question pourtant fort simple : Qui a tué Louis XVII ? Jacques-René Hébert, répond Henri. Hébert, le fondateur du Père Duchesne, pamphlet périodique le plus odieux et le plus lu sous la Révolution. Reparler de l’enfant du Temple, et au-delà de l’émotion suscitée par ce destin atroce, faire remonter à la surface de notre conscience le passé sacrificiel sur lequel notre société française, laïque et républicaine, vacille aujourd’hui, telle est la tâche que s’est fixé Henri Norden ; il veut rappeler dans un film à dix millions d’entrées, que le « sang impur », qui abreuve le sillon de notre hymne national, c’est aussi celui d’un enfant martyr. La différence entre Henri Norden et moi, c’est que je ne suis pas fou : à aucun moment, je n’ai pensé que ce film irait au bout. J’ai toujours su que j’écrirais finalement un livre sur Louis XVII. Parce que j’ai vraiment été élevé dans l’imminence d’une révolution finale dont je serais le chef. Les livres que j’ai écrits ont raconté la vie de cet enfant en révolte. Puis de l’adulte en révolte contre la révolte. Mais la sortie de ce cycle vicieux, c’est le roi des enfants-rois qui me l’a signalé : il a fait de son cachot une chapelle expiatoire. » C.D.

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