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Choses nues

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André Maurois

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« J'avais, de 1927 à 1939, accumulé des notes (conversations, scènes, portraits), pour un roman politique : Le député de Pont-de-l'Eure. La seconde Guerre Mondiale éclata au moment où je me croyais prêt à écrire ce livre. Elle le rendit impossible, en transformant profondément la société que j'avais étudiée. Les hommes, les moeurs, mes propres passions, tout était nouveau. Je pensai que le tableau d'une Troisième République défunte retiendrait difficilement l'attention du lecteur d'après-guerre. Ce n'était pas encore de l'histoire, et le romanesque s'en était retiré. Toutefois, relisant ces notes au cours d'une longue maladie, j'ai été frappé par l'intérêt que j'y prenais moi-même. Oui, ces hommes, dont beaucoup jouaient dans l'histoire des rôles importants, avaient dit ces choses devant moi. C'était la vie même, à laquelle le choix mêlait peut-être un peu d'art. Le secret ne pèse plus sur ces événements déjà lointains. Il m'a semblé utile de montrer cette image, non déformée, d'une réalité peu connue. Aux conversations politiques, j'ai joint des propos d'écrivains, de savants, d'acteurs. Quelques-uns de mes amis les plus chers manquent à cette galerie. Par exemple, on n'y trouve pas de conversations avec Alain, avec Lyautey ; je me réservais d'écrire des livres sur eux, ce que j'ai fait. Ceci n'est pas du tout un journal. Il m'arrivait de rester un an (et même, pendant et après la guerre, douze ans) sans prendre une note. Avant toute chose, je me suis imposé de ne pas gauchir le passé pour l'intégrer dans le présent. Mes cahiers contenaient des faits bruts ; je me suis gardé de les habiller de commentaires. D'où le titre de Choses Nues. Voici, non toute la vérité, mais rien que la vérité. Sa nudité sera sa seule parure. » A. M.