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Seize ans. Un enfant : il ne prend pas la parole, il s'en empare, il l'accapare, il en presse le pouvoir maléfique avec une amère jouissance.

En notre époque, qui est celle des explications par la famille, la société - et voici que s'ajoute, pour Tantale, l'explication par l'âge, il est difficile, à un débutant qui a une souffrance vraie à dire, de ne pas la dire avec outrance : comment ne redouterait-il point, en effet, qu'après le passage des sociologues et des psychologues, la charge poétique qu'il entend mettre dans son oeuvre ne soit presque entièrement épuisée ? Il doit donc hausser la voix, sans cesse, attirer, par ses cris, l'attention du lecteur sur la nuit qui enveloppe son âme, et dont nulle analyse ne le pourra délivrer. Je ne dirais donc pas que Tantale manifeste le mal de la jeunesse, mais plutôt la disgrâce de ce siècle, où le progrès dépoétise le malheur, où il faut s'époumoner pour se faire entendre, où il faut passer pour fou si l'on veut être admiré.

On n'achève pas cet ouvrage sans malaise. Au vrai, je ne vois pas d'autre raison pour l'aimer, que la sournoise blessure qu'il laisse en vous quittant. Non point qu'il soit cruel à la manière des " premiers romans " d'aujourd'hui : ces histoires élégantes et froides, dont il ne reste rien, une fois la dernière page tournée, qu'un go-t acide au bord des lèvres, ne sont pas le fait de Kalda. Son livre ne provoque pas, il contamine. Il n'est pas cruel, mais nocif. Il vous attache par le mal qu'il vous fait. Quel mal ? C'est au lecteur d'être sincère avec soi. Qu'il ne ferme pas l'oreille à ce cri qui déchire le silence où sont murés les enfants.

D. Fernandez

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