La baronne von Meck, richissime dame russe, veuve et mère de onze enfants, tomba amoureuse de Tchaïkovski, mais seulement à travers sa musique... Pour lui permettre de se consacrer entièrement à son art, elle proposa au compositeur de lui verser une rente mensuelle, en posant une seule condition : c'est qu'ils ne se verraient jamais. Pacte conclu. Pendant quatorze ans, la baronne rémunéra Tchaïkovski, sans jamais le rencontrer, tout en échangeant avec lui une volumineuse correspondance, où le compositeur exposait ses vues sur la musique, la littérature, la religion, l'histoire, la politique... Henri Troyat a réalisé un montage très intelligent et amusant de certaines de ces lettres, en les accompagnant d'un commentaire qui nous fait suivre les différentes péripéties de cette « liaison » hors du commun. Double intérêt de ce récit : elle nous donne un éclairage direct sur les idées de Tchaïkovski, ces lettres étant la principale source de ce quenous savons sur son univers intérieur et sa personnalité. Mais la baronne était elle-même un personnage fascinant, qui tenait du mécène, de l'amateur éclairé, du bas-bleu, de la folle hystérique. Elle cessa de « subventionner » Tchaïkovski et de correspondre avec lui, le jour où elle s'aperçut, enfin, qu'il ne lui rendait nullement son amour : il avait seulement trouvé commode de l'utiliser, pendant quatorze ans, comme banquière.