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Le musée de l'homme

François Nourissier

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J'ai juré de vous émouvoir - d'amitié ou de colère, qu'importe ? Je vous donne un livre vivant. Ah, comme je voudrais le mériter, le vieux cri de Bernanos qui faisait rêver mes quinze ans ! Un livre vivant ? Oui, celui d'une vie. Un " roman " ? Va pour roman si vous y tenez. Ce livre en est un, comme le mariage est un roman, comme la paternité est un roman, comme l'est un métier, comme le sont toutes les ambitions et les écoeurements, les victoires et les défaites ; comme le sera la vieillesse. La mort, seule, imposera silence au romancier que je suis devenu : de mon histoire et de mon miroir, qui sont les vôtres.

Ils ne me font pas sourire, les inconnus qui murmurent au détour d'une confidence : " Si je vous racontais ma vie, quel livre vous en feriez ! " C'est qu'ils ont en général raison, ces naïfs ! Rien n'est plus beau qu'une vie réputée " ordinaire ", rien n'est plus amer, plus secret, plus étrange. Les matériaux quotidiens font la comédie humaine : une tâche à laquelle vous vous jetez avec rage ; une mère qui glisse à l'absence ; une femme que vous aimez enfin après toutes celles que vous avez désirées, désaimées, perdues ; des enfants qui s'éloignent ; l'âge qui tend ses embuscades. Voilà tout ce que j'ai mis dans mon " musée de l'homme ". L'homme que je suis, dans sa totalité, hontes et joies comprises, peurs et colères, sans oublier les émerveillements d'un peu de bonheur.

On croit que les livres m-rissent dans quelque jardin seigneurial et secret, en un lieu introuvable de la carte du Tendre et du Temps. Quelle erreur ! Les écrivains sont des hommes et des femmes comme les autres. Et leurs romans - qui sont comme les meubles de l'ébéniste, les maisons de l'architecte, le combat du militant - ils les arrachent au harcèlement du gagne-pain et la tentation de s'asseoir au bord du chemin. Qui que vous soyez, mèche blonde ou tempes grises, bourgeois rangé ou dérangé, je veux que ce livre soit aussi le vôtre. Pourquoi ? Parce qu'il essaie obstinément, tendrement de dire vrai. Sans postures tragiques, mais sans jouer non plus toutes les comédies que le destin nous propose. Seule compte la dernière salle du musée : celle où se dénoueront les fausses alliances, où nous saurons si notre vie est sauvée ou perdue. Je vous le répète : nous sommes les héros du seul roman qui vaille d'être écrit. ".