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L ARDENT ROYAUME

Jacques Chessex

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Royaume, " l'ardent royaume ", c'est le corps de Monna, sa beauté insolente et douce, mais c'est aussi l'enchaînement des plaisirs, des joies et des folies qu'y découvre Me Mange et qui vont le perdre.

Car Royaume est à la fois l'histoire d'une joie immense et d'une déchéance banale : un homme de cinquante ans, " arrivé ", bien marié, bon père, notable de sa ville, sent un jour, comme disait Barrès, " le vide de son coeur et de ses mains ". Il fait - et peu lui importent les moyens - la connaissance de Monna, qui a vingt-cinq ans et un passé tumultueux. Alors il comprend que, dans sa vie, tout ce qui était tiédeur peut devenir feu et flammes ; tout ce qui était pénombre et gêne peut éclater au grand soleil, être jeté à la face du monde. Du moins le croit-il...

Au fur et à mesure que Me Mange, " le grand avocat ", va se risquer plus avant vers le plaisir, va provoquer davantage l'étonnement, puis la colère de la société qui l'avait reconnu pour un de ses élus, il va aussi détruire autour de lui tout ce qui avait été force et paix : son foyer, ses liens avec ses enfants, sa réussite professionnelle. Aux premières pages il est un Pharisien triomphant, un homme s-r de son fait et de son droit, - à la fin du récit il n'est plus qu'une épave, ce professeur de " l'Ange bleu " qui criait " cocorico " sur les planches d'un beuglant... Le passé douteux d'une jeune femme trop belle et trop pauvre, un peu de drogue, un peu de curiosité policière et - surtout - beaucoup d'impardonnable bonheur, et le puissant Me Mange va s'abîmer dans la solitude.

Déjà " La confession du Pasteur Burg ", que Jacques Chessex publia en 1967, était l'histoire d'une découverte du plaisir et d'une déchéance. Dans " L'Ogre " aussi, Prix Goncourt 1973, on voyait un homme de Suisse romande écrasé par le poids d'une société où les pères - comme les " policiers " et les " gens bien " de Royaume - agissent en ogres et vous dévorent le coeur. Formé par une morale et un pays calvinistes, Chessex oscille toujours entre Bien et Mal, société et révolte, famille et solitude, froideur des corps et fournaise charnelle. Monde en blanc et noir, tout en violences, aux passions longtemps contenues puis soudain forcenées et destructrices. Dans une oeuvre dont nous pouvons désormais voir se dessiner les thèmes et les directions, Royaume apporte un ton nouveau : la violence et la joie sensuelles. La description d'une ville - Lausanne - et de sa bonne société, le portrait de Me Mange, le réalisme : tout est admirablement en place dans ce roman ; mais la vraie lumière, la vraie singularité lui sont données par l'impudeur et le lyrisme sensuels. Paysages d'un corps et d'un pays, compréhension d'un pays à travers le naturel et le vertige d'un corps, chant de joie amoureuse qui se terminera dans le silence multiple de l'échec : Royaume est un beau récit charnel et désespéré, tendre et sarcastique, qui confirme la place de Jacques Chessex, après son triomphe de 1973, dans les lettres de langue française contemporaines.