Depuis que les Hollandais s'installèrent au XVIIe siècle sur l'île de Manhattan, New York n'en a jamais fini de se bâtir, de se défaire et de renaître. Comme tout le monde, j'ai été fascinée par cette effervescence perpétuelle. Mais comment écrire l'histoire de ce qui ne dure pas ? De ce qui ne vit que dans la métamorphose ? Je me suis avancée dans ce fougueux désordre en essayant de comprendre la magie d'un lieu qui a su faire vivre ensemble des paysans irlandais et des siciliens, des juifs échappés de leurs ghettos et des savants persécutés, d'anciens esclaves et des hommes hantés par le goût de la liberté. Très vite, je me suis trouvée en face d'un délire de pierre et d'acier où la rigueur géométrique des formes n'était que le masque d'une joyeuse confusion. Très vite, j'ai vu que la loi de Manhattan, c'est l'éphémère, le discordant, c'est le sublime et la laideur devenus complices, c'est le brassage des langues et des races que tente une humanité lancée à la poursuite de son salut.