Il est facile de dire et d'écrire que " La Tête des Autres " est une pièce politique dictée par une haine partisane. Quant à en fournir la démonstration, c'est une autre affaire. Quoiqu'en pense M. François Mauriac, je ne sais pas ce qu'est la haine, sinon pour avoir éprouvé, en tant qu'écrivain, celle de certains confrères.
Au reste, si j'avais voulu exprimer des vérités désobligeantes sur l'actualité politique et judiciaire de ces dernières années, je n'aurais pas eu recours aux artifices de la scène. J'aurais écrit noir sur blanc ce que j'avais sur le coeur, comme il m'est arrivé de le faire, et sans autre parti-pris que celui d'être vrai. La documentation ne m'aurait pas manqué. Elle est exceptionnellement riche et, j'en suis fâché pour M. François Mauriac qui semble l'ignorer, exceptionnellement fangeuse.
Les critiques qui ont crié au scandale et dénoncé le crime de lèse-magistrat, devraient bien se rassurer un peu et reprendre leur sang-froid. Ils découvriraient avec étonnement que le personnage principal de la pièce n'est ni un procureur, ni une femme de procureur, mais un condamné à mort. Ils pourraient même s'émouvoir en réfléchissant aux hasards de la justice qui font d'un accusé, parfois innocent, un condamné à mort, et aux hasards de l'existence, à peine plus incertains. Il est justement question de ces choses dans la pièce.
Et s'il leur restait de l'indignation à dépenser, ils s'indigneraient à l'idée qu'il existe peut-être en Poldavie des magistrats aussi peu scrupuleux que ceux de " La Tête des Autres ". Dieu sait que j'ai fait de mon mieux pour éviter toute ressemblance avec des personnages réels, mais je ne peux pas faire que je ne sois pas de mon époque.
Marcel Aymé
Au reste, si j'avais voulu exprimer des vérités désobligeantes sur l'actualité politique et judiciaire de ces dernières années, je n'aurais pas eu recours aux artifices de la scène. J'aurais écrit noir sur blanc ce que j'avais sur le coeur, comme il m'est arrivé de le faire, et sans autre parti-pris que celui d'être vrai. La documentation ne m'aurait pas manqué. Elle est exceptionnellement riche et, j'en suis fâché pour M. François Mauriac qui semble l'ignorer, exceptionnellement fangeuse.
Les critiques qui ont crié au scandale et dénoncé le crime de lèse-magistrat, devraient bien se rassurer un peu et reprendre leur sang-froid. Ils découvriraient avec étonnement que le personnage principal de la pièce n'est ni un procureur, ni une femme de procureur, mais un condamné à mort. Ils pourraient même s'émouvoir en réfléchissant aux hasards de la justice qui font d'un accusé, parfois innocent, un condamné à mort, et aux hasards de l'existence, à peine plus incertains. Il est justement question de ces choses dans la pièce.
Et s'il leur restait de l'indignation à dépenser, ils s'indigneraient à l'idée qu'il existe peut-être en Poldavie des magistrats aussi peu scrupuleux que ceux de " La Tête des Autres ". Dieu sait que j'ai fait de mon mieux pour éviter toute ressemblance avec des personnages réels, mais je ne peux pas faire que je ne sois pas de mon époque.
Marcel Aymé