Ce court roman impressionne par sa densité et sa complexité. Il brasse une multitude de thèmes dans un récit à l’intrigue resserrée et simple : le portrait d’une famille qui se délite puis se reconstruit sur de nouvelles bases… Le fils, Paul, 35 ans, récemment opéré d’un cancer de la thyroïde, revient pour sa convalescence dans la maison de son enfance, entouré de ses parents, Adrian et Lyndsay, de sa femme, Berenice, et de leur petit garçon. Le traitement ayant laissé des traces de radiation, il doit être tenu en quarantaine. Dès lors, c’est une autre forme de cancer, encore plus insidieuse, qui fait son œuvre au sein de cette famille aisée d’Afrique du Sud, détruisant avec patience les liens entre Paul et sa femme, et entre les parents de Paul. Ce dernier se remet peu à peu et reprend son combat pour la sauvegarde de l’environnement, le « bush » sud-africain menacé par divers projets gouvernementaux – barrages, centrales nucléaires, autoroutes –, mais se sent de plus en plus coupé de sa femme, de sa famille et de lui-même, de son propre corps. Ainsi, Gordimer entremêle de manière magistrale les aspects les plus physiques (la maladie, la sexualité) et leur portée métaphorique (le « cancer » comme image de l’étrangeté à soi-même, de l’usure, de l’incompréhension mutuelle et de l’acceptation résignée dans le couple, mais aussi des bouleversements politiques contemporains — préservation de la terre contre la « maladie » capitaliste). Si la fin de l’apartheid en Afrique du Sud a été un formidable progrès social, la pauvreté, le Sida, la criminalité empoisonnent toujours le pays. Vis donc ! démontre que sur les ruines d’un monde gangrené peut s’effectuer une sorte de renaissance.