Dans cette suite de portraits - jadis on aurait dit des "caractères", peut-être - Georgette Elgey esquisse avec une extraordinaire maîtrise des mini-romans qui résument en quelques pages une existence. Suzanne la mal mariée, à qui ses erreurs n'apprendront rien ; Michel, aveuglé sur lui-même par sa bonne conscience ; Napoléon, le mécène milliardaire de la pâtée pour chiens ; Lysiane et Antoine, moderne version de Philémon et Baucis ; Victor-Marie, le surdoué, qui découvre sur le tard la sagesse de ne rien faire, ou Mme Sorbier, épouse indigne et heureuse, autant de preuves, parmi d'autres, qu'il ne faut jamais se fier aux apparences. Il suffit que l'amour, l'ambition, l'argent, la maladie, la vanité s'en mêlent - ou une folie pure et simple - pour qu'un destin bourgeois bascule en un clin d'oeil. Soudain les vertueux découvrent leur vrai visage, l'humble montre sa grandeur, les secrets surgissent de l'ombre, le coeur parle et l'âme dit sa couleur. Avec l'humour sec des moralistes, souvent tempéré par une tendre lucidité, Georgette Elgey arrache le rideau des conventions et se révèle un écrivain-né. Le mot est juste, le style cinglant, le regard net : impitoyables, ce sont des instantanés qu'on n'oublie plus.