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La politique d'Orphée

Gilles Susong

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La révolution culturelle s'est éteinte sur cette sentence de son chef : " au désordre dans le monde succède l'ordre dans le monde. " Que ces mots, presque insupportables, rendent plus évident encore le paradoxe de notre temps : dans le chaos des espoirs estompés et des illusions perdues, alors que s'est effondré tout ce qui semblait irréversiblement nouveau, l'éternité du vieux monde paraît connaître une autre de ses résurrections. Et pourtant, de toute part s'élèvent des discours allègres, voire prometteurs : une jubilation étrange, souvent triviale, préside à l'enterrement des idéaux défunts ; et tant d'autres chemins paraissent s'ouvrir vers un nouvel infini : dérives, marges, schizes...

Autant de raisons de concevoir un soupçon, de se faire l'oreille assez fine pour reconnaître dans tout cela l'écho affaibli d'une parole insidieuse, dangereuse par excellence, celle du sophiste. L'Histoire nous aura au moins appris que le discours sophistique n'eut d'autre fonction que de prolégomènes pour la tyrannie imminente. À partir de là, tout discours du semblant, déployant les séductions du multiple, se définira pareillement d'être suscité par le Despote, comme son masque.

Partir de là, justement - de la Grèce d'avant Platon, où se mettent en place les choix dont nous ne sommes pas encore dépris - c'est ce qu'on se propose ici. Pour qu'au moins ne s'ajoute pas aux mirages d'aujourd'hui, celui de leur nouveauté, tenter une généalogie susceptible d'exhausser, dans les textes les plus secrets et les plus diffamés de la Grèce - poèmes orphiques, fragments des écoles pythagoriciennes - les grandes structures immobiles de la Maîtrise.