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Marcel Proust ou le complexe d'Argus

Louis Bolle

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Les exégètes de Proust ont surtout insisté jusqu'à présent, sur les certitudes, les vérités intemporelles énoncées tout au long de la Recherche du temps perdu, sur les " révélations " du Temps retrouvé. Louis Bolle, au contraire, part de la constatation que tout est " relatif " chez Proust ou, du moins, que les vérités dernières ne se dégagent qu'au terme d'une succession de " points de vue ", dont la diversité, la mobilité, les interférences et les contradictions donnent à la Recherche son caractère le plus original.

Un clocher, une phrase de sonate, un visage, un personnage n'apparaissent à Proust que selon un certain " aspect ", qu'un autre " aspect " vient compléter ou démentir. Le romancier dispose son oeuvre, non pas en une suite de paysages ou de tableaux arrêtés une fois pour toutes, mais comme des prédelles ou pans qui, à force de se réfléchir les uns pour les autres, constituent un panorama en profondeur, une cathédrale à quatre dimensions. Argus aux cent yeux, il regarde l'univers de cent " points de vue " différents, et il incarne ainsi la fonction suprême de l'art, qui est à la fois de présenter les apparences et de les récuser en tant qu'illusions.

L'analyse de Louis Bolle éclaire peu à peu tous les centres d'intérêt de la Recherche : aussi bien la psychologie du jaloux (faite, justement, de la conviction que l'autre a cent personnalités en même temps) que l'esthétique impressionniste (fondée sur les erreurs des sens) ou la sociologie proustienne (la confusion finale des générations dans la grande comédie des recommencements). D'une écriture souple et riche, le livre de Louis Bolle s'inscrit dans la lignée de la " nouvelle critique ", celle qui s'attache à déceler les structures des oeuvres au lieu d'en décrire le contenu.