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Le coq, l'autruche et le bouc émissaire

Alfred Sauvy

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Par une curieuse mutation, le {coq} français devient peu à peu {autruche}. Tandis que s'efface le ton cocardier et tricolore, s'affirme la peur de voir les choses comme elles sont et notamment les plus amères. C'est l'attitude de l'autruche. Depuis presque deux siècles, le peuple, promu souverain, dirige ses propres affaires. Malheureusement, ses affaires, il les connaît mal. Non seulement l'information est déficiente, trompeuse, encline à la flatterie, mais nous ne cherchons pas vraiment à savoir, tant les rêves, les mythes, les croyances sont plus avenants que la rugueuse réalité. Longtemps anodines, cette ignorance de nos propres affaires, cette peur de les connaître, entraînent logiquement de plus en plus de mécomptes, parmi lesquels le "tour de force" qu'est le cumul de chômage et d'inflation. C'est que, même sous des dehors libéraux, l'intervention est partout, intervention dans le noir. Devant l'accumulation des difficultés et des nuages, chacun se plaint et chacun a raison ; seulement, l'ensemble a tort. Dans cette affaire, en effet, le grand accusé devenu le {bouc émissaire}, c'est l'Etat. Et l'Etat, c'est nous. Déficience majeure : nous ne savons pas ou nous n'osons pas nous exprimer. Or, s'exprimer, c'est créer. L'atrophie de l'esprit de création se manifeste tant dans le langage que dans la peur de la jeunesse, dans le refus de l'enfant, donc de l'avenir.