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Ayant, en de récentes années, admiré et aimé Odile Mallet et Geneviève Brunet, j'eus envie d'écrire, pour ces troublantes jumelles, une pièce bien à elles.

Mes méditations, plume à la main, furent brèves : Amphitryon s'imposa où, depuis des siècles, des êtres identiques se heurtaient face à face. Un Amphitryon où l'impudique Jupiter serait, pour le même jeu, remplacé par la chaste Junon.

Je n'avais pas oublié que les amours doublement adultérines de Jupiter et d'Alcmène avaient donné naissance à l'invincible Hercule et inspiré, avant mon père, trente-sept Amphitryon, cinq ou six après lui. Quasi inexistante dans l'Amphitryon de Molière - le seul de ceux-ci avec lequel je fusse familier -, combien Alcmène était vivante dans l'Amphitryon de Jean Giraudoux et comme elle méritait de susciter le nouvel intérêt de Junon, autant et plus que la passion défraîchie de Jupiter ! De fait, ce n'est pas la légende gréco-romaine qui m'a inspiré, mais le texte bien français de l'auteur de mes jours où, pour la première fois, Léda, substituée une nuit Alcmène, avait un rôle majeur. La rivale d'Alcmène tient dans mon "divertissement" une place essentielle, bien qu'à proprement parler elle n'y paraisse pas.

Puisque Jupiter avait voulu séduire Alcmène, Junon entend faire la conquête d'Amphitryon. Cependant, à travers des quiproquos qui sont la trame de la pièce, une force aimable mais sans merci, dédaignant le mari, pour la déesse vers la mortelle. Non, lecteur salace, il n'y avait pas le moindre saphisme dans cette suite ingénieuse d'Amphitryon 38. Tout au contraire, grâce aux deux héroïnes, l'amour y cédera la place à l'esquisse d'une action politique, d'une révolution dont le Grand Soir chute brutale de l'intrigue, se trouve - ni à gauche, ni à droite - dans le coeur comme dans l'esprit de l'homme d'aujourd'hui.

JEAN-PIERRE GIRAUDOUX